Nous sommes en été, par un beau mardi ensoleillé. Il est 12h37, vous venez de garer votre vélo solaire en bordure du chemin, de vous asseoir avec le reste du groupe dans l’herbe grasse de cet alpage d’Arvieux, au cœur du massif du Queyras, et vous venez d’entamer la découpe d’un saucisson au Genépi. Au même moment, loin, très loin au-dessus de votre tête, une bande de joyeux photons issus de la fusion nucléaire d’atomes d’hydrogènes au cœur du soleil, vient d’achever une migration longue de 170 000 ans à travers notre étoile et d’en atteindre la couche superficielle. Une fraction de seconde plus tard, les particules élémentaires s’arrachent de la surface solaire et entament un long et rapide périple à travers la galaxie et en direction de la Terre.
A 12h45, soit 8 minutes et 20 secondes plus tard pour être exact, alors que vous venez de délaisser le saucisson au profit d’un généreux morceau de tomme des Hautes-Alpes, nos photons arrivent au terme d’un voyage de 150 000 000km, pénètrent dans notre atmosphère et viennent aussitôt percuter la surface des modules photovoltaïques qui équipent la remorque de votre vélo solaire. Gavés d’énergie, ils bombardent la couche de silicium monocristallin du module et lui arrachent un groupe d’électron, qui débute à son tour un voyage initiatique. Traversant un réseau courant continu, les électrons parviennent jusqu’au régulateur de charge qui élève leur potentiel et les propulse au sein d’une batterie lithium 36 Volts, où ils vont séjourner quelques temps. Pas très longtemps en fait…
A 15h06 ce même jour, à quelques mètres du sommet du col, vous appuyez tranquillement sur la pédale de votre vélo solaire et indiquez ainsi au contrôleur principal votre souhait de bénéficier d’une assistance électrique. La consigne est aussitôt transmise au système de gestion de votre batterie, qui libère les électrons que nous avons évoqués plus haut. Ceux-ci filent dans les bobinages du moteur électrique de votre pédalier, et lui apportent 250 W d’une puissance instantanée qui va vous propulser jusqu’au terme de votre ascension.
Vous êtes à 2360 m d’altitude, vous contemplez les paysages lunaire de « la casse déserte », depuis le sommet de l’Izoard que vous venez tout juste d’atteindre, transporté par l’énergie solaire.